Comment peut-on affirmer qu'en cas d'ouverture d'une aide à mourir, il n'y aurait pas de dérives ? Quels sont les gardes fous proposés ?
Nous ne pouvons pas affirmer maintenant qu’il n’y aura pas de dérives après. Nous avons uniquement le retour des pays qui ont déjà légiféré sur la question, où les dérives ne sont pas visibles pour le moment, mais où elles sont craintes du fait de l’individualisme croissant des sociétés occidentales.
Cependant, un des garde-fous déjà proposé par le législateur pour la demande de sédation profonde et continue dont la légalisation a fait craindre des dérives est l’évaluation pluridisciplinaire de l’équipe : même si le patient est en état de s’exprimer pour lui-même, non seulement il faut que son pronostic vital soit engagé à court terme (voir question spécifique la définition de ce court terme), mais il faut aussi que sa demande soit reconnue par l’équipe pluridisciplinaire qui s’occupe de lui. Cela permet d’éliminer les demandes formulées par une personne dépressive, par exemple.
La pluralité d’opinions au sein du CCNE, retranscrite pages 27 à 29 de l’avis 139, montre bien la complexité de légiférer sur l’aide à mourir. Outre le renforcement indispensable des mesures de santé publique dans le domaine des soins palliatifs (première partie des recommandations p 34 à 36), le deuxième volet des recommandations du CCNE (p 36-37) évoque « les repères éthiques en cas de dépénalisation de l’aide active à mourir ». « Si le législateur décide de légiférer sur l’aide active à mourir, la possibilité d’un accès légal à une assistance au suicide devrait être ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ». « Laisser en dehors du champ de la loi ceux qui ne sont physiquement plus aptes à un tel geste soulèverait un problème d’égalité des citoyens qui constitue en lui-même une difficulté éthique majeure. C’est pourquoi certains proposent que ces patients puissent disposer en outre d’un accès légal à l’euthanasie sous la même condition d’un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme. D’autres estiment que la loi ne doit pas établir d’exception à l’interdit de donner la mort et souhaitent que les décisions médicales face à des cas exceptionnels soient laissées, le cas échéant, à l’appréciation du juge. Le CCNE laisse au législateur, s’il s’emparait du sujet, la responsabilité de déterminer alors la démarche la plus appropriée pour encadrer ces situations. » « La demande d’aide active à mourir devrait être exprimée par une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée, analysée dans le cadre d’une procédure collégiale ». « La décision de donner suite à une demande d’aide active à mourir devrait faire l’objet d’une trace écrite argumentée et serait prise par le médecin en charge du patient à l’issue de la procédure collégiale définie à l’article R. 4127-37 du code de la santé publique. Cette procédure permettrait notamment de s’assurer que les souffrances physiques et/ou psychiques de la personne sont réfractaires ».